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Nouméa 2018 : six continents, un paradis

Depuis plusieurs mois nous avions planifié avec un collègue une mission à l’agence de Nouvelle Calédonie à Nouméa. La période initialement pressentie étant début septembre, je plongeai dans le calendrier des courses pour constater que le marathon de Nouméa se tenait cette année le 26 aout… ni une ni deux, on avançait la mission d’une semaine pour ne pas rater cette occasion. Je me voyais déjà arpenter le lagon pour au final espérer décrocher une médaille sur mon sixième continent. (Les coureurs aimant bien globe-trotter considèrent en effet qu’il y a sept continents dans le Monde).

Après un long, trop long vol entre Bordeaux er Nouméa via Tokyo, soit 29 heures au total, et les fesses en papier mâché… je découvrais une grande ville de soleil (même en hiver, même s’il fait frais matin et soir, et un peu dans l’eau aussi).

Une semaine de travail plus tard, le week-end tant attendu arriva.

 

Samedi, marathon J–1

 

Pour patienter nous sommes allés dans le Sud vers la baie de Prony, prenant une route bordée d’araucarias, de cocotiers, de kaoris…pour découvrir d’immenses collines ou le rouge brique et le bleu du ciel s’entrechoquent,... D’immenses terrains miniers, d’où l’on extrait nickel et chrome, aux sentiers défoncés par les gros engins miniers, ceux aux roues démesurées.

On traversera la Plaine du champ de bataille…

Puis à l’approche de la côte des mornes de latérite surplombent des lagons bleus turquoise, créant des étincelles de lumière. A plusieurs reprises nous traversons des radiers immergés, le 4X4 est vraiment nécessaire !

Dans la baie du carénage, une petite navigation en canot à moteur nous amènera sur l’ilot de Casy pour une petite partie de snorkeling ; le long d’une plage de sable fin, l’eau est fraîche mais les coraux et leur prédateur, une étoile de mer tueuse, des bénitiers et quelques perroquets le feront vite oublier. Un petit coup de bateau pour revenir sur la grande Île et nous irons pique-niquer à la source chaude de Prony (ruisseau des Kaoris), nous régalant d’un bon bami et d’un petit verre de rosé, avec nappe et verres à pied s’il vous plait ! Puis au fil de la navigation nous visiterons les ruines d’un bagne, dévoré peu à peu par des banians étrangleurs qui étouffent les ruines des murs.

En fin de journée, nous rentrerons les yeux déjà plein d’étoiles, pour une petite pasta party improvisée à l’hôtel.

 

Dimanche, J0

 

Après une petite collation pré-course à 4 heures (!) nous prenions la route pour la zone de départ. Mon collègue Charles s’alignera sur le semi, ne s’estimant pas assez préparé pour le full. Je courrai pour ma part sous les couleurs violettes de Laurette Fugain, d’autant plus content que j’ai appris il y a 2 jours la présence de Fred et Véro, piliers violetas bordelais, en vacances sur l’île depuis quelques semaines, une sacrée surprise pour tout le monde ! Nous les retrouvons assez vite, on n’a plus qu’à partir, mes crocs bleu turquoise sont du plus bel effet, raccord avec la couleur dominante locale. Sauf que ce matin, c’est un peu couvert, et quelques gouttes tombent… tant mieux ! La température n’en sera que plus agréable !

Le parcours consiste en un double aller-retour longeant quasiment tout le temps le lagon, avec départ et arrivée à l’hippodrome. Cette année, une star montante s’aligne au départ : le japonais Yuki Kawauchi, récent vainqueur de Boston se place sur la ligne à la dernière minute, souriant et abordable, ne manquant pas de saluer le peloton à la japonaise. Je suis 5 mètres derrière (125 partants sur la marathon et 350 sur le semi). Mais qu’on ne s’y trompe pas, après les courbettes pour saluer tout le monde, c’est une machine de guerre qui va se mettre en route !

 

Première boucle.

Sous quelques gouttes de pluie donc, le départ est donné, nous partons rapidement vers la côte pour rejoindre la somptueuse Anse Vata, sa large avenue et sa vue sur l’île aux canards. On part à droite pour changer de baie, c’est la Baie des Citrons qui s’offre au peloton, une légère montée en virage et nous faisons demi-tour. Incroyable première sensation lorsque nous croisons Yuki déjà seul après moins d’un quart d’heure de course, il a mis les distances avec les prétendants potentiels…

Km 6–7, une grosse bosse nous sort de l’anse Vata pour aller rejoindre la promenade Vernier en enroulant Ouen Toro, impressionnant caillou de 130 mètres de haut qui domine Nouméa. C’est une grosse colline, un rocher torturé ocre rouge évoquant une coulée de lave, recouvert de foret sèche sur une bonne partie, et dont les coureurs locaux raffolent avec ses entiers balisés et une vue panoramique au sommet. Nous laissons le complexe de l’hôtel Méridien, puis le cercle nautique calédonien de l’autre côté. Avec le lagon sur notre droite, le parcours ondulera doucement sur la piste cyclable jusqu’à atteindre un profil presque plat jusqu’au demi-tour vers le km 13. J’y croiserai Fred le violeta, puis Charles, tous deux encore en forme à ce moment de la course.

Au retour on fait une incursion derrière le Méridien, ce qui nous évite la bosse de la route principale, et on traverse le cercle de voile par un parcours façon sentier côtier mi-herbe mi-stabilisé.

Jusqu’au semi, je serai relax, sur une confortable allure de 5’30/km, en conservant du jus pour la suite avec une petite idée en tête, je me verrais bien faire un petit negative split comme à Saint-Pétersbourg…un ou deux orchestres de percussions donnent du rythme aux coureurs.

Seconde boucle.

On longe à nouveau les baies et le semi est atteint en un peu moins de 1h57.

Un objectif aujourd’hui est clairement de se rapprocher de 4 heures, ce que je n’ai pas fait depuis l’an dernier, mes petits bobos, et ma reprise en février. Un autre est de tenter un podium en M3, cible a priori accessible si j’en crois les résultats de 2017 ou le podium était acquis à 4h54.

Depuis que les coureurs du semi ont quitté le parcours, les moments de solitude se font plus longs. Je m’arrêterai 2 fois pour prendre notre champion japonais en photo les instants où l’on se croise en l’encourageant, à grands coups de « Gambatte Yuki-san ! », sa vitesse est incroyable, sensation de légèreté et de puissance… tout mon contraire !

Km 25, les cocotiers défilent et je commence à piocher, le rythme cardiaque augmente, les arrêts au stand sont plus que bienvenus. Aux abords du 30ème km, j’aurai de plus en plus de mal à en repartir… Jambes sans énergie, tête dans les épaules, je me force à courir, et lance mes crocs dans les faux plats descendants ou sur les portions plates… je n’ai pas de douleur particulière (Achille, genoux…) mais mon dos se tend et devient douloureux et mes calculs mentaux m’indiquent assez vite que je ne passerai pas sous la barre des 4 heures aujourd’hui ; j’ai croisé un, voire deux têtes blanches devant moi, des concurrents au podium des anciens !... J’en ai doublé un ou deux aussi… J’ai de plus en plus soif, et lorsque la petite brise marine disparait selon l’orientation du parcours, je sens bien qu’il fait trop chaud…alors je serre les dents et le nez dans les crocs j’avance, j’avale une barre d’amande, et je prends une photo de ce beau paysage de temps en temps.

Un dernier virage à droite en sortant de la zone du Méridien à la pointe Magnin nous fait quitter la promenade pour rentrer vers l’hippodrome, j’accélère autant que je peux (ce qui n’est pas spectaculaire) et foule les derniers mètres sur l’herbe pour passer la ligne, établissant mon record d’Océanie en 4h03 (mon record M3 aussi). Je suis complètement cramé, occis, et la gentille bénévole maquillée en clown me remet ma médaille pendant qu’au bord de la détresse respiratoire j’avale goulument tout l’oxygène que je peux capter.

Charles est arrivé en 2h11 pour son 1er semi, Véro qui a battu son record sur semi en moins de 2 heures s’inquiète en attendant Fred qui passera finalement la ligne en 4h40. Tous les violetas de Bordeaux (incroyable rencontre !) sont rentrés. Dans le même temps un gars derrière moi se tord de douleur sru un brancard, son corps n’est que crampe…

Après moultes ablutions énergisantes et une orgie de pastèque, d’abricots secs et de petits gâteaux salés, je vais consulter le classement qui m’apporte une sacrée surprise car je suis… 1er M3 ! J’ai gagné !!! Avec 3 minutes d’avance sur le second et 10 sur le 3ème ; c’est dingue, il m’aura fallu 113 marathons et 20000 km pour monter sur la plus haute marche, je n’en reviens pas. Cerise sur le gâteau, je ferai quelques photos avec Yuki, extrêmement accessible et d’une gentillesse touchante. Il a atomisé le peloton en terminant en 2h18 avec 10 minutes d’avance sur son dauphin… et se promène tranquillement avec ses acolytes du jour.

La remise des récompenses quelques heures plus tard sera une belle cérémonie. Entre les récompenses du semi et celles du full, un groupe folklorique viendra proposer des danses (coutumières) et des chants polynésiens, magnifique ensemble dynamique et coloré. Puis je serai appelé sur le podium pour y recevoir un joli trophée en plexiglas, étrange sensation de se retrouver là-haut… et enfin, un cocktail clôturera cette cérémonie si particulière pour moi. On notera que l’organisation a offert une photo de l’arrivée à chaque coureur, délicate attention en voie de disparition…

Le soir, après avoir mangé les restes de pates de la veille avec 2 œufs, j’irai au lit très tôt, bien fatigué.

L’après.

Le bouquet final de ce séjour professionnel et sportif sera tiré le week-end suivant. Nous nous sommes offert avec mon complice Charles deux jours sur l’Ile des Pins. Un saut de puce de 20 minutes dans un petit coucou à hélices d’Air Calédonie (j’aime prononcer ce nom…), nous y déposera, non sans avoir admiré depuis le ciel quelques récifs coralliens et autres atolls (j’aime prononcer ce mot !), couronnes ivoire cerclées de turquoise. Le séjour dans un gite dans la baie de Kanumera agrémenté d’une location de vélo qui nous permettra de sillonner l’ile (60 km avec D+ dont 20 dans l’obscurité totale quasiment sans éclairage, frisson garanti !) nous offrira des souvenirs incroyables.

Incroyables, ces nuances de bleus, bleu ciel, turquoise, bleu nuit, bleu ardoise, vert émeraude, qui se chevauchent et s’entrelacent jusqu’à l’horizon dans des baies plus époustouflantes les unes que les autres : la Corbeille, Rouleaux, Kuto,

Incroyables, ces grandes plages de sable blanc aussi fin que de la farine, totalement désertes (bain dans la baie de Kuto pour moi tout seul…ah non il y avait une tortue),

Incroyables, ces myriades de poissons colorés dans la piscine naturelle d’Oro, Incroyable, cette eau translucide qui scintille sous le soleil, étincelante,

Incroyable, cette divine langouste dégustée sur la plage…

Spectaculaires, les ruines du bagne au sud-ouest de l’ile avec ses geôles et ses mitards impressionnants où passèrent des communards et des berbères algériens… et à proximité, le cimetière des déportés…

Et… Un dernier spectacle allait m’arracher les yeux des orbites, si puissant que j’ai cru avoir des hallucinations. Lors de notre retour à la casa en vélo, le ciel nocturne explosait sur nos têtes, incroyable amas d’étoiles plus éblouissantes les unes que les autres sur cette toile noire, toutes entourées d’un halo lumineux et noyées dans ce grand jet de poussières d’étoiles par milliards, la Voie Lactée comme on ne la voit plus en Europe…. Le petit astronaute qui sommeille en moi depuis l’enfance prenait ce choc visuel de plein fouet et gobait ce merveilleux spectacle au lieu de regarder la route (que je ne voyais pas, roulant dans le faible faisceau de la frontale fatiguée de Charles).

… (rêve) …

Mais tout a une fin…

Je prendrai l’avion (le gros) à Tontouta le soir même de notre retour sur la grande Île pour un voyage de 31 heures.

Le typhon Jebi qui ravagera le Japon et ma première escale, Osaka, le lendemain, aurait pu me bloquer là-bas…

A 24 heures près…

Ah, zut.

Le marathonien blessé
 

Commentaires 3

courirlaplanete le lundi 29 octobre 2018 20:00

Ben tu vois, tu m'as donné vraiment envie, c'est fou, non?

Ben tu vois, tu m'as donné vraiment envie, c'est fou, non?
Runnindoum le mercredi 31 octobre 2018 08:37

tant mieux ;-)

tant mieux ;-)
PP78 le samedi 3 novembre 2018 12:08

Et un podium aux côtés de Kawauchi , le Tome 3 s'annonce incroyable !

Et un podium aux côtés de Kawauchi , le Tome 3 s'annonce incroyable !:o
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Invité
vendredi 19 avril 2024

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